Henri de Toulouse-Lautrec
Dans une posture presque classique, qui pourrait être celle d’un modèle, Lautrec enlève la silhouette gracieuse d’une femme ajustant son bas. Entré dans l’intimité des filles de maisons closes, il peut croquer chacune de leurs attitudes sur le vif, ou les reprendre à l’atelier.
L’instantané d’un geste familier et extrêmement féminin est ici enlevé avec vivacité d’un trait de peinture à l’essence violette, avec des reprises de couleur bleue pour souligner le contour des jambes d’une ligne plus appuyée.
Cette manière de jouer du bout d’un pinceau souple et précis sur un carton qui lui fournit une tonalité de fond, constitue l’une des caractéristiques de la totale liberté de facture de Lautrec : ne s’embarrassant pas de l’évocation, même rapide, d’un décor, il campe cette silhouette où s’exprime son amour du corps de la femme, sans aucune note d’érotisme ou de pornographie. Les jambes sont coupées à mi-mollet, les bras évoqués d’un trait inachevé, la main gauche qui tire le bas à peine esquissée, le modelé à peine rendu par des rehauts blancs jetés en longues diagonales. Au vert sombre des bas, s’oppose le vert tendre de la chemise enroulée autour du cou, et le flamboiement de la chevelure blond-roux.
La traduction de ce geste quotidien témoigne du regard attentif et non dénué de tendresse du peintre à l’égard des prostituées. Avec une grande économie de moyens, qui fait apparaître plus fortement encore l’habileté du pinceau, Lautrec s’affirme dénué de tout jugement moralisateur.